« Une partie, même vaste et sans route, d’un département français, cela me semblait petit et proche et pas à la mesure de mon immense curiosité du monde… ».
En fait, elle se passionne pour ce terrain et y travaille jusqu’en 1940. Installée dans un douar inaccessible et isolé des autorités administratives, elle suit la tribu dans ses déplacements saisonniers, assiste aux cérémonies, conserve et ordonne le matériau généalogique et les récits qu’elle recueille. L’essentiel de son travail sur les Chaouias disparaît en 1945 à Ravensbrück.
PETITE BIO
Dans son discours d'entrée à l'académie française l'écrivaine Assia Djebar dit ceci de Germaine Tillion :
"Je voudrais ajouter, en songeant aux si nombreuses Algériennes qui
se battent aujourd’hui pour leurs droits de citoyennes, ma reconnaissance
pour Germaine Tillon, devancière de nous toutes, par ses travaux dans les
Aurès, déjà dans les années trente, par son action de dialogue en pleine
bataille d’Alger en 1957, également pour son livre Le harem et les Cousins
qui, dès les années soixante, nous devint « livre-phare », œuvre de lucidité
plus que de polémique. "
Je pense que la reconnaissance était partagée
Résistante et déportée
Le réseau du musée de l'homme
Après la capitulation de 1940 elle refuse la politique du régime de Vichy, elle qui a vu monter l’idéologie nazie alors qu'elle se trouvait en Allemagne en janvier 1933. Elle cherche immédiatement à agir, se lie avec le groupe du musée de l’Homme, organise des évasions de prisonniers et des distributions de tracts qui dénoncent Vichy, avec l’aide de sa mère. Elle est arrêtée en août 1942, alors qu’elle organisait l’évasion d’un camarade et un transfert de microfilms. Ignorant que sa mère a été arrêtée elle aussi, elle est déportée à Ravensbrück sous le statut Nacht und Nebel.
Le 2 mars 1945, alors qu’elle est malade et séjourne à l’infirmerie, sa mère Émilie, arrivée au camp en février 1944, est avec d’autres détenues âgées sélectionnée et exécutée par le gaz. Son nom figure au Panthéon sous une plaque portant la mention :
« Ici sont enfermés les hommages rendus le 2 juillet 1949 aux écrivains morts pour la France pendant la guerre 1939-1945 »Elle a écrit une comédie musicale !! Comment le texte est sorti du camp.
En avril 1945 Germaine Tillion est libérée par un convoi suédois de la Croix Rouge.
Sa mère , Emilie, qui faisait partie du même réseau que sa fille, sera gazée en 1945 en tant que résistante.
Une conscience dans le siècle : la guerre d'Algérie.
Elle repart enfin en Algérie en 1954, accomplir une mission officielle pour enquêter sur le sort des populations civiles dans les Aurès, là où elle avait mené ses recherches avant-guerre, et où se déroulent les premiers affrontements de ce qui va devenir la guerre d’Algérie. Elle renoue avec ceux dont elle avait partagé la vie vingt ans plus tôt et est atterrée par la dégradation de leurs conditions de vie. Elle accepte en 1955 de rester en Algérie au cabinet du nouveau gouverneur général, Jacques Soustelle, comme elle ethnologue et résistant de la première heure, pour concevoir et mettre en œuvre des réformes. Elle se consacre à monter en neuf mois un projet socio-éducatif à l’intention des plus démunis : ruraux appauvris et habitants des bidonvilles.
Le grand écrivain Mouloud Feraoun travaillera dans ces centres.
LES CENTRES SOCIAUX EN ALGERIE
ou ICI
L’année 1957 marque un tournant décisif à la fois dans la situation en Algérie (l’armée est investie des pouvoirs de police à partir de « la bataille d’Alger ») et dans l’implication de Germaine Tillion. En juin, elle accompagne les enquêteurs missionnés par la CICRC (Commission Internationale Contre le Régime Concentrationnaire) dans les prisons et les camps en Algérie ; elle y recueille de nombreux témoignages de tortures et d’exactions, souvent de la bouche de personnes qu’elle connaît et estime. Elle est mise en contact avec le chef FLN de la zone autonome d’Alger, Yacef Saadi, responsable des attentats qui ont endeuillé la ville. Leur dialogue aboutit à l’engagement de Yacef Saadi de ne plus s’attaquer aux populations civiles, la contrepartie française devant être de surseoir aux exécutions capitales des condamnés à mort.
Germaine Tillion est décédée en 2008, elle est entrée au Panthéon.